La Nostalgie de la lumière, Patricio Guzman, 2010.

Publié le par Nous

 

Mehdi 0096 

 

 

 

Dans le désert d’Atacama des observatoires astronomiques pointent leurs lunettes télescopiques en direction des étoiles, des galaxies, vers des corps qui brillaient il y a des millions d’années. Au sol les gravures sur les pierres préservées par une aridité plus que séculaire témoignent du passage d’une civilisation pré inca. Les astronomes et les archéologues questionnent ainsi le passé avec la patience, la passion et la sérénité qu’impose la transparence de l’air et des horizons  atacamesques. Leurs découvertes suscitent l’intérêt d’une société moins encline à regarder son passé plus récent. Le Chili se réveille au deuxième millénaire avec un siècle d’amnésie. L’extermination des indiens (les Onas, les Yamanas et les Alakalufes pour ne citer que les peuples du sud), l’exploitation des mineurs du désert depuis la fin du XIXème siècle et la dictature semblent s’effacer plus facilement que les figures ancestrales inscrites sur les roches. Un vide interstellaire occulte la mémoire contemporaine du Chili. On préfère focaliser son attention sur le sort de 33 mineurs, à grand renfort de récits épiques – voire mystiques - et de rabâchage médiatique interplanétaire. 33 mineurs dont l’acte héroïque est essentiellement le fait d’un instinct de survie. Les opposants au régime militaire de Pinochet qui avaient aussi un instinct de survie, n’ont pas tous survécu et peinent à refaire surface. On les enterre régulièrement sous des pelletées d’oubli.  Mais la volonté d’effacer ces martyres des pages de l’histoire ne découragent pas ces femmes qui parcourent les étendues de rocailles et de sable à la recherche de corps, ceux de leurs compagnons, de leurs frères, de leurs pères exécutés sans laisser de trace ou presque. Les astronomes, les archéologues et les femmes cheminent dans ce même lieu qui offre plusieurs strates de passé à explorer.photo-Nostalgie-de-la-lumiere

Le film nous décrit avec une douceur étonnante ces trois quêtes qui se télescopent portées par un souffle de lumière pudique, de poésie où les interstices d’ombres et d’amertume tentent vainement de gangréner un océan d’humanisme. Car Patricio Guzman place ses fragments d’humanité au cœur du cosmos. Ces os, particules de calcium, poussière d’étoile dessinent une même lignée, une constellation qui résistera sans relâche face aux ennemis de la liberté. Les bourreaux encore vivants soignent dans leur mutisme une image de citoyens respectables. Les femmes des martyres de la dictature n'en d'autres choix que d'interroger le désert moins silencieux. Il s’agit de recoller les morceaux de destins brisés par ce coup d’état du 11 septembre 1973. Dans le ciel, les étoiles mortes continuent de briller comme les yeux de ces jeunes rêveurs portés par l’accession au pouvoir de Salvador Allende. au début des années 1970. Patricio Guzman nous offre un film lumineux comme une respiration céleste.

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Publié dans Cinéma

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